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    P. Beyer        G. Carbonell          Les 2 Céramistes        Besnard         Dordet



    La galerie Christofle exposait en 1943 quelques céramistes : Emile Lenoble, Paul Beyer, Jean Besnard, Marjolaine et Luc Lanel, Guidette Carbonell, Jean Lerat...

    Article paru en juillet 1943 dans la revue Image de France :

    " Les métiers d'art, héritiers modernes des plus authentiques des vieilles et pures traditions artisanales, traversent des cycles de vogue dont il serait curieux d'étudier les raisons déterminantes et les causes de succès. Ainsi en est-il actuellement de la poterie et de la céramique, qui connaissent un nouvel épanouissement et dont il faut signaler les heureuses qualités d'invention et de poésie. C'est pourquoi nous devons féliciter la galerie de l'orfèvrerie Christofle d'avoir réunie pour quelques semaines les témoignages typiques de cette floraison.
    La génération précédente, représentée ici par une rétrospective d'Emile Lenoble, aimait à s'exprimer avec une pureté de formes et une absence de décor qui se souvenaient de la leçon des vieux potiers chinois. Celle d'aujourd'hui s'est libérée et semble aller à sa guise avec une fantaisie dont les expressions caractéristiques sont fort diverses.

    1943 : Besnard, Lenoble, Carbonell, Lerat exposaient...

    E. Lenoble      J. Lenoble                M.Lanel          Savin                       Savin       

      
    Parmi les aînés citons d'abord le solide Jean Besnard, dont le primitivisme foncier s'accommode d'aimables raffinements extérieurs ; Beyer, dont l'art rustique est d'une saveur de grand style et qui est un de ceux dont les oeuvres concervent avec le plus de fidélité la marque de la main : certains de ses coups de pouce sont très remarquables ; Savin, fidèle à un certain anthropomorphisme polychrome animant les objets utilitaires de la plus curieuse façon ; enfin Marjolaine et Luc Lanel, qui sont, au contraire, séduits par un certain classicisme des formes qu'ils savent égayer par de jolies inventions de détails : torsades, anneaux, coquilles, feuillage et une infinie subtilité dans les émaux. C'est à ces deux derniers artistes que J.-C. Moreux demandant de réaliser plusieurs de ses modèles qui sont de sûres variations de style où la draperie, la bucrâne, le masque ou le profil en relief inspiré des médailles archaïques viennent jouer un rôle séduisant.

     J. Lerat        G. Carbonell                M. Savin                        Moreux



    Parmi les jeunes nombreux sont ceux qui ouvrirent encore d'autres voies à l'actuelle céramique française. Ainsi Guidette Carbonell, « très peintre » dans ses décors, trouvant des compositions qui font penser par leur raccourci et leur synthèse à du Braque monté de ton comme un art de haute époque. Jaques Lenoble, lui, outre ses vases et ses plats, a orienté ses recherches vers une rénovation du carrelage où il sait heureusement varier les combinaisons qu'ont peut obtenir avec de petits motifs de céramique (on pense à des gâteaux vernis de sucre). Et pour continuer dans le chemin de la comparaison gastronomique je dirai que les céramiques de Lebasque ont souvent cette chair pulpeuse, laiteuse et comme d'une lourde transparence des fleurs et des fruits chinois.
    Enfin, une Marcelle Thiénot, pleine d'un charme sentimental et romantique, pare ses ouvrages de petites fleurs en relief tandis que les 4 Potiers abordent une sorte de baroque populaire plein de santé et de gaîté de bon aloi. Et il faudrait encore citer tous ceux qui, avec des esprits et des genres toujours différents, complètent fort heureusement ce petit musée temporaire de la céramique française en 1943."
    L. C.

    (extrait de : Images de France, la revue des métiers d'Art
    pages 4 et 5, juillet 1943
    Arch. D. Goudenhooft)

     

     

     

     


  • Poteries acoustiques d'antan

     

    Poteries acoustiques d'antan (témoignages du XIXème S)

    Poteries acoustiques d'antan (témoignages du XIXème S)



    AA : Vase acoustique de terre rougeâtre, à raies horizontales, fermé par les deux bouts et ayant une bouche circulaire pour laisser entrer le son. Ce vase, destiné à répercuter la voix a été trouvé en 1862, dans le mur du choeur de Saint-Laurent-en-Caux, près de Doudeville, lors de la démolition du vieil édifice.
    BB : Vases acoustiques provenant du clocher-choeur de l'église abbatiale de Montivilliers
    C : Vase acoustique de grès, trouvé en 1858, dans le choeur de Fry (canton d'Argueil, arrondissement de Neufchâtel) présumé du XVIe siècle
    D : Vase acoustique de grès, trouvé en 1863 dans le choeur de Sotteville les Rouen, présumé du XVIe siècle comme l'église démolie.


    Article de Édouard Charton (1864 - Le magasin pittoresque‎)

         " L'un des premiers, M. Didron cita dans ses Annales un fait qui constate l'existence de poteries acoustiques  en France. En 1842, un correspondant de l'ancien comité des arts et monuments signala à la section d'archéologie la découverte récente de cornets de terre cuite dans l'église de Saint-Biaise d'Arles. Ces cornets, qui correspondent à des pots de 22 centimètres de diamètre, étaient placés dans l'épaisseur du mur. Quant à leur date, il n'en savait dire autre chose, sinon que l'on croyait l'église de 1280 . A cette observation, M. Didron a ajouté un texte précieux, extrait de la Chronique des Célestins de Metz (quinzième siècle), publiée par M. de Bouteiller dans sa Notice sur un couvent de cet ordre dans la capitale de l'ancienne Austrasie. Voici ce qu'écrivait le chroniqueur messin en l'année 1432 : «En cest année dessus dit, au mois d'aoust, la vigile de l'Assomption Nostre-Dame, après que frère Ode Leroy, prieur de céans, fust retournez du chapitre de dessus dit, il fist ordonner de mettre les pots au cuer de l'église de céans, portant qu'il avoit vu autre part en aucune église pensant qu'il y fesoit meilleur chanter et qu'il cy resonneroit plus fort, et furent mis en ung jour; on print tant d'ouvriers qu'il suffisoit. »

         A l'appui de ces faits, qui montrent la coutume des poteries acoustiques établie sur deux points extrêmes de notre France, un de nos collaborateurs, M. l'abbé Cochet, nous communique quelques preuves recueillies en Normandie pendant les trente années d'études qu'il a faites sur les églises de cette province. La Normandie a ceci d'intéressant en matière historique qu'elle est pour la Norvège le berceau du christianisme, et pour l'Angleterre le point de départ d'une architecture nouvelle. Dans l'espace de trente années, M. l'abbé Cochet a eu l'occasion d'observer cinq ou six fois, dans les églises de la Seine-Inférieure, ce détail particulier. On comprend aisément que ce genre d'observation est d'autant plus difficile qu'il ne peut guère avoir lieu que lors de la démolition d'une église, et les ouvriers qui démolissent nos vieux monuments sont rarement assez curieux de recherches de cette nature pour avoir même l'idée d'avertir les archéologues.

         Cependant en 1862, lors de la destruction de la vieille église de Saint-Laurent en Caux (canton de Doudeville), les ouvriers signalèrent un grand vase de terre dont la forme ne les étonna pas moins que la position. Placé à l'un des angles du chœur, ce vase était encore tout couvert du mortier qui l'avait enveloppé. Sa forme est celle d'un cône fermé par les deux bouts. Il n'a d'autre ouverture qu'un bec qu'il présentait en forme de corne à la surface du mur. Des cannelures horizontales sillonnent l'extérieur du vase, qui, par sa forme, nous semble se rapprocher de ceux du treizième siècle. On y remarque les mêmes particularités de fabrication que sur des vases de cette époque trouvés à Leure, en 1856, dans la tombe de Pierre Bérenguier .  Nous donnons le dessin de ce vase étrange. Il semble bien avoir été expressément fait dans un but acoustique.

         En 1852, dans l'église aujourd'hui démolie d'Alvimare (canton de Fauville), on a remarqué des trous circulaires pratiqués au milieu des prismes qui tapissaient les piliers du chœur et du clocher. Ces trous n'étaient autre chose que l'ouverture de vases de terre placés dans les murs comme agents de répercussion. Dans l'église du Mont-aux-Malades, prés de Rouen, des vases remplissaient les fenestrelles rebouchées de la nef et du chœur. On les a retrouvés en 1842, lorsque l'on fit revivre les cintres romans du douzième siècle ; mais l'opération acoustique devait dater du dix-septième siécle.
    On a encore observé des vases acoustiques dans l'église de Contremoulins, prés Fécamp, et dans les ruines du chœur de Péruel, prés Perriers-sur-Andelle (arrondissement des Andelys)."



    Chronique normande par Jean Benoît Désiré Cochet (abbé Cochet) - 1867

         "Les démolitions d'église amènent presque toujours des découvertes intéressantes. L'année dernière la destruction de la vieille église de
    Bellencombre, en nous donnant plusieurs vases acoustiques, nous a révélé tout un système de répercussion organisé au siècle dernier. Cette année le chœur de Saint-Laurent-de-Brèvedent (canton de Saint-Romain-de-Colbosc) vient d'être abattu pour faire place à une nef nouvelle. De cette église romane du XIIe siècle, on a conservé le clocher, monument remarqnable dont les fenêtres sont pleines d'élégance.
         Il y a quelques années les poteries acoustiques de nos églises étaient à peine connues : elles n'étaient guère observées que par quelques rares amateurs qui les considéraient comme une exception, comme une curiosité, comme une bizarrerie. Aujourd'hui elles passent à l'état de règle. On ne saurait, je ne dis pas démolir, mais seulement restaurer une église, sans en rencontrer quelques-unes. Depuis quelques années nous en avons recueilli dans les églises de Bellencombre, de Saint-Laurent-en-Caux et de Sotteville-lès-Rouen."



    Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle‎ (1864) par Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc :

         "POT, s. m. Les architectes du moyen âge qui placé parfois à l'intérieur des édifices religieux, dans les parements des murs, des pots acoustiques de terre cuite, probablement pour augmenter la sonorité des vaisseaux. Nous avons fréquemment constaté la présence de ces pots dans les chœurs des églises des XIIe et XIIIe siècles. Plusieurs archéologues ont fait les mêmes observations. Ces poteries sont généralement engagées dans la maçonnerie, ne laissant voir à l'intérieur que leur orifice au nu du mur. Elles sont placées à différentes hauteurs et parfois en quinconce, mais particulièrement près des angles. Il en existe dans l'abside carrée de l'église de Montréale (Yonne), dans l'église de Saint-Laurent en Caux, à l'abbaye de Montivilliers, dans les églises de Contremoulins près Fécamp, de Perruel près Périers-sur-Andelle (arrondissement des Andelys). La  Normandie est peut-être la province où ces poteries acoustiques ont été le plus fréquemment employées pour donner de la sonorité aux chœurs, mais on en trouve aussi dans des monuments de Provence, et notamment dans l'église de Saint-Biaise, à Arles."

     

     

     





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